Le 3 avril Bolerado- San juan de Ortega
23 km
Je marche depuis plusieurs heures lorsque Christian me rejoint. Il cherche un partenaire de marche et aimerait bien compléter le voyage jusqu'à Compostelle avec moi. Depuis le début de mon pèlerinage, je marche seul, pour moi, c'est la meilleure façon de méditer et de profiter du temps que j’ai pour mieux me connaître. Cela me permet de faire le vide, d'être à l'écoute et de vivre pleinement le moment présent .
Je dis donc à Christian que je préfère marcher seul, il comprend. Nous allons prendre un café puis nous prenons la route chacun de notre côté.
Malgré tout, la marche en solitaire comporte certains risques. En route vers Ortega, je manque une flèche jaune et je me perds. Je prends un chemin qui me conduit à une ferme abandonnée, dans laquelle se trouvent enfermés des chiens affamés. Leurs grognements me glacent le sang, on dirait des loups, s’ils trouvent un moyen de s'échapper, je suis bon pour des vacances gratuites à l’hôpital.
J’accélère le pas, je me dirige vers une forêt. Le chemin qui mène à Compostelle est toujours bien balisé: si on se retrouve au milieu d'une forêt où le sentier est incertain c’est que nous sommes au mauvais endroit. Je retourne donc sur mes pas et arrivé à un croisement de chemins, j’aperçois Jean le pyrénéen. Enfin, j'ai retrouvé le chemin, qu'est-ce que je suis content de le revoir !
Nous sommes cinq pèlerins à terminer l’étape au monastère San juan de Ortoga. Nous voulons tous goûter à cette fameuse soupe à l’ail que le Padre maroquin prépare aux pèlerins depuis 25 ans. Malheureusement, les pèlerins sont peu nombreux au mois d'avril et le Padre, âgé de 84 ans, ne la fait pas pendant la saison morte. Dans l’espoir de pouvoir goûter à sa soupe , nous demandons conseil à sa sœur (soeur de sang, qui vit avec lui ). Elle nous suggère de lui demander après la messe, car, dit-elle : « il fait sa soupe à ceux qui la lui demande ». Nous lui demandons , et évidemment , il accepte avec plaisir.
La première cuillérée de la soupe à l’ail est aussi forte que de l’alcool à 95 %. Aucun virus ne peut lui résister, mon corps bout littéralement. Il y a autant d’ail dans la soupe du Padre qu’il y a de pois dans une soupe aux pois. Heureusement que je voyage seul…
La nuit est froide, Il fait 0 C, et toutes les couvertures de laine, mon sac de couchage et la soupe à l’ail suffisent à peine à me garder au chaud.