jeudi, janvier 05, 2006

Le 15 avril Villa de Franca. Les disciples d'Emmaüs

Ponferrada - Villa de Franca del Bierzo
24 km à 180 km de Compostelle


Je marche 6 km sans voir la moindre flèche jaune. Ce matin, j'ai l'impression de tourner en rond, j'ai dû manquer une indication quelque part. Pas de flèche, pas de pèlerin et pas de sentier, c'est évident, je suis perdu.

J’angoisse, ce n’est pas un sentiment agréable, mais il a sa raison d’être. C’est un signal qui m’avertit qu’il faut agir et changer quelque chose pour retrouver mon chemin. Sans mon angoisse, je ne ferais rien, je marcherais pendant des heures dans la mauvaise direction. C’est comme dans la vie, lorsque la déprime frappe fort, mon angoisse m’oblige à agir afin de me redécouvrir et de me remettre sur la bonne voie.

J’essaie de trouver des informations qui pourraient m’aider à retrouver mon chemin. Le soleil est dans mon dos. C’est bon signe, je vais au moins dans la bonne direction. J’aperçois deux pèlerins britanniques qui marchent devant moi, ils entrent dans un café. Assis à la table, une carte routière dépliée de tout son long, ils argumentent sur leurs positions. Je souris, on dirait une chicane de vieux couple, c’est sûrement des amis de longue date. John et Tom me demandent si je sais où je suis. J’en n’ai pas la moindre idée.

La serveuse arrive, nous sert le café et pointe avec son doigt notre emplacement exact. On est à peu près à six kilomètres à l’ouest du sentier.

J’arrive à Villa de Franca vers 13h30, je lave mon linge, je prends ma douche, je mange et je fais ma sieste. Ensuite, je descends au centre-ville, car à Villa de Franca on monte ou l’on descend, c’est un mini San Francisco. Je retrouve Cyrus le Suisse, Pépé et Claudine dans un café de la ville.


Lors de mon retour, au pied de la côte qui mène à l’auberge, j’entends des voix qui chantent en latin. Il y a un monastère tout près, je crois qu’il s’agit d’une séance de prière faite par les moines.

Arrivé au sommet, je constate que les paroles sont chantées en français, ils proviennent d’une soixantaine de jeunes qui assistent à la messe à l’extérieur de l’église. La messe est célébrée par deux prêtres ; un noir africain et un blanc français. Ils remarquent mon entrée. Je reconnais des pèlerins assis sur le gazon à l’arrière du groupe d’adolescents, je m’assois près d’eux.

La lecture de l’évangile débute, c’est l’évangile selon St
-Marc les disciples d’Emmaüs. (Luc 24.13-55)

Ce même jour, deux disciples se rendaient à un village appelé Emmaüs, qui se trouvait à environ deux heures de marche de Jérusalem. Ils parlaient de tout ce qui s'était passé. Pendant qu'ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s'approcha et fit route avec eux. Ils le voyaient, mais quelque chose les empêchait de le reconnaître. Jésus leur demanda : « De quoi discutez-vous en marchant. » Et ils s'arrêtèrent, tout attristés. L'un d'eux, appelé Cléopas, lui dit : « Es-tu le seul habitant de Jérusalem qui ne connaisse pas ce qui s'est passé ces derniers jours ? » -« Quoi donc ? » leur demanda-t-il. Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth ! C'était un prophète puissant ; il l'a montré par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple. Les chefs de nos prêtres et nos dirigeants l'ont livré pour le faire condamner à mort et l'ont cloué sur une croix. Nous avions l'espoir qu'il était celui qui devait délivrer Israël. Mais en plus de tout cela, c'est aujourd'hui le troisième jour depuis que ces faits se sont passés. Quelques femmes de notre groupe nous ont étonnés, il est vrai. Elles se sont rendues tôt ce matin au tombeau mais n'ont pas trouvé son corps. Elles sont revenues nous raconter que des anges leur sont apparus et leur ont déclaré qu'il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau et ont trouvé tout comme les femmes l'avaient dit, mais lui, ils ne l'ont pas vu. » Alors, Jésus leur dit : « Gens sans intelligence, que vous êtes lents à croire tout ce qu'ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffre ainsi avant d'entrer dans sa gloire ? » Puis il leur expliqua ce qui était dit à son sujet dans l'ensemble des Écritures, en commençant par les livres de Moïse et en continuant par tous les livres des Prophètes.

Quand ils arrivèrent près du village où ils se rendaient, Jésus fit comme s'il voulait poursuivre sa route. Mais ils le retinrent en disant : « Reste avec nous ; le jour baisse déjà et la nuit approche. » Il entra donc pour rester avec eux. Il se mit à table avec eux, prit le pain et remercia Dieu ; puis il rompit le pain et le leur donna. Alors, leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. Ils se dirent l'un à l'autre : « N'y avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ? »

Ils se levèrent aussitôt et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent les onze disciples réunis avec leurs compagnons, qui disaient : « Le Seigneur est vraiment ressuscité ! Simon l'a vu ! » Et eux-mêmes leur racontèrent ce qui s'était passé en chemin et comment ils avaient reconnu Jésus au moment où il rompait le pain.

Après la lecture, le prêtre donne son homélie. À mon avis et l’avis des autres pèlerins présents, c’est l’une des homélies les plus ennuyants qu’il m’a été donné d’écouter. Certains pèlerins, surtout les plus âgés sont choqués par le discours monocorde du prêtre qui ne risque pas d’intéresser les jeunes. Quant à moi, je trouve dommage que ces adolescents ne fassent pas le pèlerinage à pied. Ils sont transportés en autobus jusqu’à Compostelle.

Vers la fin de la messe, les jeunes se mettent à chanter, je me lève et me dirige vers l’auberge en leur tournant le dos. Puis le prêtre dit « Je remercie les pèlerins de s’être joints à nous. »

Je me retourne pour voir si le prêtre s’adresse à moi, tous les adolescents sont debout et me regardent. Je leur envoie la main, puis d’un coup, les mains des soixante adolescents se lèvent pour me saluer.

Je sens un grand sentiment de paix en moi.