Portomarin - Palais de Rei
25 km à 65km de Compostelle
Mine de rien, j'approche de Compostelle, il ne reste que 65 kilomètres à parcourir. Depuis le kilomètre 130, il y a des bornes à tous les 500 mètres qui font le compte à rebours. C'est sûrement encourageant pour ceux qui marchent avec des blessures, mais cela peut être aussi décourageant en nous mettant toujours dans la tête ce qui nous reste à marcher.
Après avoir marché 700 kilomètres, les montées et les descentes sont vraiment faciles. C'est vrai que je traîne 25 livres de moins. Quand je suis parti, je pesais 185 livres, et maintenant mon poids est de 160 livres. Mon cœur bat beaucoup moins vite au repos, je me ne souviens pas de l'avoir entendu battre si lentement. C'est vraiment plaisant. J'ai l'impression d'avoir un corps tout neuf !
Je continue à rêver à une douche chaude. Il pleut encore beaucoup aujourd'hui. Si seulement, ça pouvait être de l'eau chaude qui me tombe sur la tête…
J'arrive tôt à Palais de Rei. Il y a une cordée de sacs à dos à la porte de l'auberge. Pour les pèlerins qui le désirent un service de transport de bagages est disponible.
Il y a beaucoup de nouveaux pèlerins sur le chemin, des gens que je n'ai jamais vus auparavant. Plusieurs personnes commencent leur marche à O Cebreiro et marchent pendant une semaine pour se rendre à Compostelle. Des 40 personnes qui sont dans l'auberge, seulement trois sont partis depuis St-Jean Pied de Port.
C'est bientôt la fin, je me sens seul. Je m'ennuie des pèlerins que j'ai rencontrés sur la route. J'aurais aimé partager avec eux les émotions que me procure la marche de mes derniers kilomètres.
Aussitôt entré dans l'auberge, je me dirige vers les douches. Il y a de l'eau chaude. C'est une douche avec un bouton. Pour avoir de l'eau chaude, il faut peser sur le "piton". Et bien, j'ai une main qui pèse continuellement sur le "piton", et l'autre qui savonne. Je reste comme ça longtemps, mais pas trop, je dois penser aux autres personnes qui eux aussi ont droit d'avoir une douche chaude. Un autre rêve de réalisé, ça fait du bien…
Il y a une Américaine dans le dortoir. Elle a la mine basse. Je pense qu'elle se sent seule. Je me dis qu'être américain en Europe dans le contexte de la guerre en Irak, cela ne doit pas être toujours évident. Je décide d'aller lui dire bonjour. Je me présente : « bonjour mon nom est Éric, je suis Canadien ». Je trouve difficile de faire la conversation avec elle. Peut-être a-t-elle le goût d'être seule, une chose est sûre c'e n'est pas moi qui va lui remonter le moral.
Heureusement, mon ami Claude m'invite à souper. Demain, nos routes vont se séparer, il rejoint sa femme à l'hôtel. Ils vont terminer la route ensemble.
Nous allons souper au restaurant du coin. À une table près de la nôtre, je suis surpris de voir l'Américaine et Georges le loyaliste en train de dîner ensemble. On se salue avec un petit sourire poli. Je trouve la situation pathétique. D'un côté du restaurant, il y a un Français et un Canadien, et de l'autre, il y a une Américaine et un Anglais. Décidément, il y a de la politique dans l'air.