Ronceveaux-Lassaroma
28 kilomètres
Ce matin, je dois payer le tribut de mes excès de la veille. Ce sentier qui avait deux pieds de neige de profondeur a laissé sa marque. Les muscles supérieurs de ma jambe droite ont manqué d’oxygène. Je ne peux lever ma jambe droite plus de 5 cm sans ressentir de la douleur. Je peux tolérer 10 cm. Si j’ai besoin de lever ma jambe plus haut, je dois utiliser mes deux mains...
Le corps humain est une merveilleuse machine. Si l’un de nos muscles flanche, tous les autres muscles le remplacent pour compenser ceux qui ne peuvent plus fournir le même effort. C’est ainsi que ma jambe gauche et mon mollet droit m'ont transporté pendant les vingt premiers kilomètres. Ils m'ont permis de ménager les muscles douloureux de ma jambe droite.
Après six heures de marche, mon mollet droit est fatigué. C’est alors que mes muscles douloureux de la jambe droite, qui ont eu le temps de récupérer, ont pris le relais. Ils ont supporté davantage mon poids durant les huit derniers kilomètres, donnant ainsi à mon courageux mollet droit un repos bien mérité !
Et tout cela se fait sans même que vous y pensiez.
À Zubiri, je m’arrête pour chercher de l’eau dans le village. Au bout d’une ruelle, il y a une camionnette hors de laquelle coule du sang. Je me dis que c’est probablement un boucher qui vient de faire une livraison. Comme il y a plusieurs flaques d’eau par terre et que la camionnette vient d’être nettoyée, je cherche le boyau d’arrosage, je le trouve près de la maison. Le propriétaire est assis sur sa terrasse, il caresse un renard empaillé. Je lui demande de l’eau, il me fait signe de me servir.
Je trouve cette situation étrange. Une camionnette est tachée de sang et un homme caresse un renard empaillé... Il n’y a pratiquement pas d’animaux dans la forêt où je marche. Des oiseaux et des écureuils, c’est tout ce que j’ai vu ! Alors, voir un type qui caresse un renard empaillé, ça fait bizarre. Je remplis ma gourde. Je le remercie. Et je retourne dans la forêt.
Je suis arrivé à Larrasoma vers 4h30 de l’après-midi. L’aubergiste a l’habitude, comme beaucoup d’Espagnol, de vous parler comme si vous compreniez tout ce qu’il disait. Vous avez beau lui dire que vous ne comprenez rien, il continue à parler, et cela, même sur le ton de la confidence.
: « Pas grave, un jour, vous comprendrez ! » Ont-ils l’air de vous dire.